L’écologie pour tou.tes ?

Cet article est proposé par des bénévoles et volontaires en service civique impliqués dans le projet de radio Agissons, porté par la MRES. Cette initiative leur permet de réaliser entre 3 et 6 émissions par an et d’écrire des articles de presse sur la thématique de la transition écologique tout en étant formés aux techniques journalistiques et radiophoniques. Plus d’infos : http://agissons.ovh

 

Il apparaît, et cela n’est plus un secret pour personne, que les quartiers les plus pauvres sont ceux qui sont le plus exposés à tout type de pollution : sonore, visuelle, ou encore atmosphérique. Ainsi, l’ONU comme l’Observatoire des Inégalités en France constatent que l’air des quartiers pauvres est plus pollué et cause une augmentation significative des décès prématurés, causés par des maladies cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux ou encore par des infections aiguës des voies respiratoires inférieures. L’OMS note, par ailleurs, que la pollution de l’air a engendré, en 2016, 7 millions de décès dans le monde (1). Plus encore, est fait le constat que les inégalités environnementales ont une dimension territoriale et touchent en majorité ceux qui y sont surexposés par leurs lieux d’habitations ou de travail : les plus pauvres. Un exemple criant peut être celui de l’ouragan Katrina qui a dévasté une partie des Etats-Unis (et notamment de la Nouvelle-Orléans) en 2005. Lors de cette catastrophe naturelle, les plus pauvres se sont retrouvés avec des moyens d’évacuations sommaires (ne possédant pas de voitures pour évacuer rapidement les lieux à risque), dans des zones plus exposées, dans des maisons avec des matériaux moins résistants que celles des plus aisées, et ont eu davantage de difficultés à pouvoir se réinstaller dans un nouvel habitat (manquant de ressources financières) (2).

Mais, si les plus pauvres sont les plus exposés, ce sont aussi ceux qui ont les modes de vie avec le taux de rejet de gaz à effet de serre le plus faible. Notamment car ils possèdent moins d’équipements consommateurs (tels que les sèche-linges, machines à laver, lave-vaisselles, voitures, etc.), mais également car ils partent moins en vacances et dans des lieux plus proches (réduisant leur utilisation des transports polluants, tels que l’avion). Ils développent aussi des conduites ascétiques liées à leur condition financière et à la transmission familiale de conduites raisonnables (3). Un constat ressort de cela : ceux qui émettent le moins de CO2 sont ceux qui sont le plus exposés aux dégâts et risques environnementaux causés par le modèle consumériste favorisant les plus aisés.

Un paradoxe anime, de fait, cet article : celui de montrer que les plus aisés ont le monopole sur une lutte qui touche davantage les couches les plus précaires de la population. Cette domination de l’enjeu écologique par les classes supérieures vient, en partie, du fait que l’État capitaliste a repris la critique écologiste pour la diffuser et en faire un enjeu de responsabilité individuelle. Cette intégration dans l’état de la lutte écologiste amène la diffusion d’un discours éco-normé par des institutions qui apparaissent plus éloignées des couches les plus défavorisées. C’est, par exemple, le cas dans les écoles où le discours repris par les enseignant.e.s responsabilise les élèves sur l’enjeu écologique. Or les familles les plus éloignées de la culture scolaire sont aussi celles qui vont garder leurs distances face à une lutte qui les concerne, pourtant, grandement. Il semble alors nécessaire que l’enjeu écologique soit diffusé et mis en pratique de façon à pouvoir réellement toucher une plus grande diversité de personnes, afin de défendre les intérêts de tous, et surtout de ceux qui y sont le plus exposés. 

 

Quelques initiatives inspirantes… 

Nous comprenons donc l’importance de penser l’écologie pour tou.tes. Cette réflexion nécessite peut-être que l’on adapte nos discours aux différents publics. C’est en tout cas ce que pense Féris Barkat, co-fondateur de l’association française Banlieues Climat. Son association délivre des formations sur les enjeux climatiques à destination des jeunes de quartiers populaires. Féris Barkat anime lui-même ces formations et explique l’importance de rendre concrets ces enjeux. Il constate que l’un des problèmes des mouvements écologistes est leur détachement des réalités des quartiers populaires. Il explique à Mouv’ radio (4) : « On parle beaucoup de consommation, mais nous on consomme pas. C’est très caricatural. Y’a tout un pan sur l’alimentation, sur la résilience ou sur la santé dans les quartiers, qu’il faut aborder. ». Une autre manière de rendre la formation concrète est la possibilité pour celles et ceux qui la reçoivent de devenir à leur tour formatrices et formateurs afin de créer un réseau de formateur.ices issus des quartiers populaires. Une manière d’élargir le front écologiste et qu’il soit davantage représentatif de la diversité de la population. 

Dans la même dynamique, à Bagnolet, en région Parisienne, la première maison de l’écologie populaire en France a ouvert ses portes en 2021. Deux associations sont à l’origine de ce projet : Le front des mères et Alternatiba. La première est un “un syndicat de parents qui mène un projet écologiste, féministe et antiraciste” (5) et la seconde un mouvement qui lutte pour la préservation de l’environnement. L’idée derrière ce projet est d’avoir un lieu à Bagnolet pour que les habitant.es des quartiers populaires puissent s’auto-organiser et se rassembler autour des problématiques qui les traversent. On y parle donc d’écologie mais pas que, on aborde par exemple aussi l’anti-racisme ou encore le féminisme tout en reliant ces problématiques entre elles. Ce lieu doit permettre aux habitant.es de prendre part aux luttes qui les concernent et de se mobiliser dans l’objectif de mieux vivre. Aborder l’écologie de cette manière c’est appuyer le fait que mieux vivre c’est à la fois vivre dans un territoire dont l’air est respirable, avoir accès à une alimentation de qualité mais aussi ne pas subir le racisme et toutes autres formes de discrimination. 

Les deux associations présentées plus haut le mettent en avant, l’alimentation est un pan de l’écologie important mais également un levier au niveau de la santé et un levier social. Pourtant les produits issus de l’agriculture biologique et produits localement restent trop chers pour une partie de la population. C’est sur ce constat que le réseau VRAC (Vers un Réseau d’Achat en Commun) est né. C’est un réseau qui existe à l’échelle nationale, en France, avec des antennes dans de nombreuses régions. Cette association a pour objectif de permettre à tou.tes d’avoir accès à une alimentation de qualité. Chaque antenne organise des groupements d’achats dans des quartiers dit “populaires”. Lors d’épiceries éphémères les adhérent.es viennent récupérer les produits qu’ils ont commandés. Les épiceries sont animées par des bénévoles adhérent.es ou pas. Les produits sont bios et/ou locaux, non transformés, vendus en vrac et à prix coûtant c’est-à-dire aux prix des producteurs. Tout le monde peut adhérer au réseau et cotiser selon sa situation. 

La présentation de ces trois initiatives n’a pas pour prétention d’être une présentation exhaustive de toutes les initiatives qui militent pour une écologie populaire mais elle permet d’en rendre visibles certaines et de s’en inspirer. On constate par ailleurs que ces associations ne se cantonnent pas à avoir uniquement une portée écologique mais ont aussi pour objectif de créer du lien social, de s’auto-organiser, de lutter contre les discriminations entre autres.

 

Illustration : photo prise à l’épicerie à Fives du réseau VRAC pendant la réalisation du reportage pour le dernier épisode d’Agissons – crédits : ©LuCie

Pour aller plus loin :

  • Vous pouvez écouter le troisième épisode de la saison 5 de l’émission de radio Agissons (6). Cet épisode porte sur  “l’écologie pour tou.tes”, vous y retrouverez notamment un reportage sur une des épiceries du réseau VRAC (Hauts de France). Agissons est une émission de radio dont les épisodes portent sur les enjeux environnementaux et qui est entièrement réalisée par une équipe de jeunes bénévoles. C’est un projet porté par la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités (MRES) en partenariat avec la radio associative RPL Radio. 
  • Aller sur le site du réseau VRAC : https://vrac-asso.org/

 

Camille Schönig et Marine Moine

(membres de l’équipe d’Agissons)

 

Sources : 

(1) La pollution de l’air touche davantage les plus pauvres. (s. d.). UNEP. https://www.unep.org/fr/actualites-et-recits/recit/la-pollution-de-lair-touche-davantage-les-plus-pauvres 

(2) Katrina : la cause de nombreuses inégalités. (s. d.). Cata’monde. https://inegalites659333360.wordpress.com/2018/02/03/katrina-la-cause-de-nombreuses-inegalites-2/#:~:text=Pour%20l’ouragan%20Katrina,%2080%%20de%20la%20population%20a,vie%20sont%20affectées%20et%20ceux-ci%20sont%20majoritairement%20pauvres. 

(3) Comby, Jean-Baptiste, et Hadrien Malier. « Les classes populaires et l’enjeu écologique. Un rapport réaliste travaillé par des dynamiques statutaires diverses », Sociétés contemporaines, vol. 124, no. 4, 2021, pp. 37-66.  https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2021-4-page-37.htm

(4) Banlieue climat, l’asso qui réconcilie la jeunesse des quartiers populaires avec l’écologie. (s. d.). Mouv’. 

https://www.radiofrance.fr/mouv/podcasts/reporterter/banlieue-climat-l-asso-qui-reconcilie-la-jeunesse-des-quartiers-populaires-avec-l-ecologie-3294925

(5) Esnault, M. (2021, 14 juin). Verdragon, la première Maison de l’écologie populaire, s’est ouverte. Reporterre, le média de l’écologie. https://reporterre.net/Verdragon-la-premiere-Maison-de-l-ecologie-populaire-s-est-ouverte

(6) http://agissons.ovh/portfolio-item/lecologie-pour-tous-tes-saison-5-episode-3/



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